Par Christophe Bonvin /
Versement de dividendes : PROCESSUS et obligations fiscales
" Avec cette réserve obligatoire de fonds propres, la société est renforcée et elle pourra plus facilement faire face à d’éventuelles pertes dans le futur. "
En Suisse, lorsqu’une société anonyme (SA) souhaite distribuer des dividendes à ses actionnaires, elle doit respecter un cadre légal bien défini. D’une part, les règles du Code des Obligations (CO) imposent à l’entreprise d’attribuer en priorité une part du bénéfice annuel dans les réserves de la société à des fins de thésaurisation. D’autre part, les obligations fiscales doivent être effectuées correctement, tant pour la société qui distribue les dividendes que pour les actionnaires qui reçoivent ces parts de bénéfices. Le présent article a pour but d’expliquer dans les grandes lignes les règles de la distribution de dividendes d’une SA et ses conséquences pour toutes les parties concernées. A noter que ces principes s’appliquent par analogie à la société à responsabilité limitée (Sàrl).
Règles de répartition du bénéfice dans la SA
Une proposition de répartition du résultat doit être présentée chaque année par le Conseil d’administration à l’assemblée générale des actionnaires, qui doit ensuite l’approuver.
Avant que la société ne puisse verser des dividendes à ses actionnaires, elle doit auparavant attribuer les montants suivants à la réserve légale issue du bénéfice, selon l’article 671 du CO :
- 5 % du bénéfice annuel jusqu’à ce que cette réserve atteigne 20 % du capital-actions libéré;
- 10 % des dividendes excédant un dividende de base de 5 % et 10 % des fonds distribués à l’extérieur de la société jusqu’à ce que cette réserve atteigne 50 % du capital-actions libéré.
L’attribution d’une part minimale de bénéfice aux réserves de la société découle de la politique d’autofinancement de l’entreprise imposée par le CO. A noter que les statuts de la société peuvent prévoir la constitution d’une réserve légale supérieure au minimum du CO ou prévoir la constitution d’autres réserves.
Au niveau purement comptable, il y a lieu de préciser que les écritures de répartition du résultat de l’année N se passent toujours après la clôture des comptes et donc après l’assemblée générale des actionnaires (N+1).
Processus de distribution des dividendes
Le dividende représente la rémunération du capital-actions de la société anonyme. Il est exprimé en pourcentage du capital-actions libéré. Le dividende ne peut être fixé qu’après que les affectations aux réserves légales et statutaires ont été opérées conformément à la loi et aux statuts. Il n’existe aucune obligation légale de verser la totalité ou seulement une partie du bénéfice. La société peut conserver le bénéfice pour l’investir par exemple dans de nouvelles installations ou dans un immeuble.
En Suisse, le versement de dividendes est soumis à l’impôt anticipé. La société doit donc retenir le montant de l’impôt anticipé de 35 % lors du paiement du dividende à l’actionnaire et le reverser dans les 30 jours après la décision de l’assemblée générale à l’Administration fédérale des contributions (AFC). Par conséquent, l’actionnaire ne recevra sur son compte bancaire que le dividende net représentant le 65 % du montant total dont il a droit. L’impôt anticipé pourra toutefois être récupéré pour autant que les démarches prévues par la loi soient strictement respectées (voir chapitre suivant).
Précisons encore que pour l’actionnaire, le dividende reçu constitue un revenu imposable. Si l’actionnaire est une personne physique, il est à déclarer en tant que revenu dans sa déclaration fiscale personnelle. Si ce dernier est une personne morale, le dividende devra être comptabilisé comme revenu dans le compte de résultat. A noter que si l’actionnaire détient une participation qualifiée (soit plus de 10 % des actions), l’imposition du dividende est allégée grâce à une imposition partielle de ce revenu.
Processus de récupération de l’impôt anticipé
L’impôt anticipé est un impôt perçu à la source par la Confédération sur divers rendements de capitaux mobiliers, notamment les dividendes de sociétés. Il constitue avant tout un moyen destiné à lutter contre la fraude fiscale cale en incitant le contribuable à déclarer aux impôts directs ses revenus grevés de l’impôt anticipé et la fortune d’où proviennent ces revenus. Cet impôt anticipé de 35 % ne constitue pas une charge fiscale définitive pour le contribuable domicilié en Suisse; en effet, ce dernier est remboursable sous certaines conditions.
Le remboursement est accordé :
- aux personnes physiques domiciliées en Suisse, à condition qu’elles déclarent régulièrement, pour les impôts cantonaux et communaux, les revenus et rendements grevés de l’impôt anticipé ainsi que les ca- pitaux qui les ont produits; le remboursement est effectué par les cantons en déduction du montant de l’impôt cantonal;
- aux personnes morales qui ont leur siège en Suisse, à condition qu’elles comptabilisent régulièrement dans leur compte de résultat comme rendement les revenus grevés de l’impôt anticipé; le remboursement est effectué par la Confédération par l’intermédiaire de l’AFC.
Le bénéficiaire doit présenter une demande de remboursement de l’impôt anticipé dans les 3 ans après l’expiration de l’année civile au cours de laquelle la prestation imposable est échue. Si les conditions susmentionnées ne sont pas remplies, le droit au remboursement est perdu. En outre, le remboursement est inadmissible dans tous les cas où il pourrait permettre d’éluder un impôt.
A noter que les contribuables qui n’exercent pas leur droit au remboursement ou qui sont déchus de ce droit pour cause de non-respect des obligations susmentionnées ne sont pas pour autant dispensés de payer les impôts directs qui sont dus sur leur revenu et leur fortune concernés.
Concernant les contribuables domiciliés à l’étranger, l’impôt anticipé est en principe perdu et constitue une charge définitive. Cependant, toutes les personnes dont l’Etat de résidence étranger a conclu une convention de double imposition avec la Suisse ont droit, selon ce que prévoit la convention, au remboursement total ou partiel de l’impôt anticipé retenu, à condition de pouvoir prouver que les conditions posées par la convention sont remplies.
Conclusion
Lorsqu’une société anonyme souhaite distribuer des dividendes à ses actionnaires, elle doit prendre en compte l’article 671 du CO qui lui impose d’alimenter en priorité une partie du bénéfice annuel dans ses propres réserves au bilan. Le législateur a ainsi souhaité éviter que toute la richesse générée par l’entreprise ne soit redistribuée aux actionnaires. Avec cette réserve obligatoire de fonds propres, la société est renforcée et elle pourra plus facilement faire face à d’éventuelles pertes dans le futur.
Dans un contexte de versement de dividendes, l’aspect fiscal ne doit absolument pas être négligé. Pour la société payant le dividende, l’impôt anticipé de 35 % doit être réglé à l’AFC dans les 30 jours suivant la décision de l’assemblée générale des actionnaires, sous peine de payer un intérêt moratoire de 5 %. Pour l’actionnaire recevant le dividende, ce revenu doit être déclaré dans sa déclaration d’impôts privée (personnes physiques) ou comptabilisé dans le compte de résultat (personnes morales), sous peine de perdre le droit au remboursement ultérieur de l’impôt anticipé, voire même de se voir infliger en supplément une procédure de soustraction fiscale pour non-déclaration de ce revenu.
Dans des cas extrêmes, entre la non-récupération de l’impôt anticipé, la fiscalisation du revenu de dividende et l’amende en soustraction fiscale, une négligence dans ce processus peut coûter à l’actionnaire presque la totalité du revenu de son dividende.
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