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Par Christophe Bonvin /

Activité indépendante ou HOBBY ?

" Si vous démarrez une activité entrepreneuriale et que vous prévoyez de réaliser des pertes régulières durant plusieurs années, optez pour une SA ou une Sàrl. "

En Suisse, l’entrepreneur dispose de plusieurs formes juridiques pour développer ses activités commerciales. Dans la majorité des cas, le choix se porte sur la création d’une personne morale (SA ou Sàrl) ou sur l’exploitation d’une raison individuelle en qualité d’indépendant. Les conséquences fiscales, comptables et sociales s’avèrent très différentes selon l’une ou l’autre des variantes. Dans cet article, nous allons évoquer une problématique peu connue des chefs d’entreprises: le hobby. Ce sujet, découlant de la jurisprudence, illustre la différence de traitement fiscal entre un indépendant et une société et permet de démontrer un des nombreux avantages de créer une personne morale plutôt qu’une raison individuelle.

Critères constitutifs d’une activité indépendante

L’activité lucrative indépendante est caractérisée par 6 éléments essentiels reconnus par la jurisprudence du Tribunal fédéral :

Une organisation propre et librement choisie : Ce critère met en avant l’absence d’un rapport de subordination à l’égard d’un employeur et la liberté de choix dans l’organisation de l’activité indépendante.

Reconnaissable de l’extérieur par des tiers : L’indépendant déploie son activité commerciale sur le marché; son activité est visible par les clients, les fournisseurs, les tiers.

Mettant à contribution du travail et du capital : En principe, l’indépendant utilise du travail (salariés, sous-traitants) et du capital (stocks, machines, mobilier, bâtiments) pour exercer son activité. La coexistence des deux facteurs n’est pas nécessaire.

Aux comptes et risques propres du contribuable : Cet aspect est déterminant. L’indépendant agit pour son propre compte. Le cas échéant, il supporte donc personnellement une perte.

De façon systématique : En théorie, l’activité indépendante s’étale sur une certaine durée et s’exerce suivant une planification à long terme. Toutefois, la jurisprudence admet que des activités accessoires peuvent constituer une activité indépendante.

Dans le but de réaliser un profit : Ce critère apparaît parfois comme élément principal dans la jurisprudence rendue en matière de commerce d’immeubles ou de papiers-valeurs. A noter que l’absence d’un tel motif est l’élément caractéristique du hobby.

Il est à préciser qu’il n’est pas nécessaire que tous ces éléments soient réunis pour que la qualification fiscale d’activité indépendante puisse être retenue. De plus, certains indices ont généralement un poids plus important que d’autres. Par exemple, l’absence de lien de subordination et le risque économique assumé par l’exploitant peuvent s’avérer décisifs.

Imposition des revenus de l’indépendant

Le bénéfice ou la perte de l’activité indépendante est imposable par l’intermédiaire de la déclaration fiscale privée (personne physique) du contribuable. Cela signifie que le résultat de l’activité de la raison individuelle s’additionne aux autres revenus courants de l’indépendant et de son épouse. Par conséquent, en cas de pertes dans la comptabilité de l’entrepreneur, ces dernières peuvent par exemple compenser le revenu salarié de l’épouse.

Voici la déclaration fiscale d'un couple illustrant ces propos :

Déclaration fiscale simplifiée de Mme et M. Déficit

Revenus
Salaire net de Mme Déficit : 75'000.-
Perte nette de l'activité indépendante de M. Déficit : - 25'000.-
Gains accessoires dépendants de M. Déficit : 10'000.-
Valeur locative de la villa du couple : 12'000.-

Total des revenus : 72'000.-

Déductions
Intérêts passifs sur l'hypothèque de la villa : - 8'000.-
Frais d'entretien déductibles de la villa : - 2'500.-
Dépenses professionnelles de Mme Déficit : - 5'200.-
Cotisation au 3e pilier a de Mme Déficit : - 6'000.-
Primes d'assurances maladie et accidents : - 6'000.-
Prestations bénévoles versées à des personnes morales : - 300.-
Frais de formation et perfectionnement de Mme Déficit : - 1'500.-

Total des déductions : - 29'500.-

REVENU NET IMPOSABLE : 42'500.-

Dans cette illustration, la perte de l’activité indépendante de M. Déficit de 25'000 francs est ici compensée par les autres revenus du couple. A noter que si les revenus du couple ne permettaient pas de compenser la totalité de la perte, cette dernière serait reportable et donc déductible sur les 7 années fiscales suivantes.

Le hobby

Par opposition à l’activité indépendante et aux critères décrits ci-devant, il manque au hobby l’intention de réaliser un gain. Dans ce cas, le fisc ne reconnaîtra donc pas une réelle activité indépendante et considérera qu’il s’agit d’une affaire privée, un loisir. L’activité du contribuable passe donc de sa fortune commerciale à sa fortune privée. Une activité sporadique peut aussi être un indice laissant supposer un hobby. La conséquence fiscale du hobby est que les éventuels gains en capital provenant d’une telle activité ne sont pas imposables, tandis que les pertes ne sont logiquement pas déductibles, car non reconnues comme commerciales.

Dans la pratique fiscale, un entrepreneur qui réalise des pertes durant plusieurs années – trois voire quatre ans – dans le cadre de son activité indépendante, se verra requalifier par le fisc ces pertes déductibles en pertes liées à un hobby et donc considérées comme non déductibles. Cette reprise fiscale sera effectuée avec l’argument que l’activité de l’indépendant n’est pas reconnue comme commerciale étant donné qu’il n’a pas pour but de réa- liser un profit. Un indépendant qui débute une activité commerciale pourrait donc, en cas de pertes régulières, se voir refuser la déduction de ces pertes à partir d'un certain temps et par conséquent la compensation avec ses autres revenus. Cela signifie concrètement une hausse d’impôts. Cependant, ce qui peut paraître étonnant, c’est qu’à partir du moment où le résultat redevient un bénéfice et qu’il est régulier, le risque est alors grand, à la lumière des principes posés par la jurisprudence évoquée plus haut, de voir le revenu provenant d’un hobby qualifié par la suite de produit de l’activité indépendante et donc imposable ! Dans la pratique, la jurisprudence tend à avoir une vision plutôt élargie de la notion de hobby, qui profite plus souvent à l’administration fiscale qu’au contribuable...

CONCLUSION

Le hobby découle de la jurisprudence du Tribunal fédéral. Ce principe a pour conséquence qu’un indépendant qui réalise des pertes régulières se verra probablement refuser la déduction de ces pertes à partir d'une certaine durée, trois à quatre ans dans la pratique, et par conséquent la compensation de ces dernières avec ses autres revenus. Le fisc considérera en effet dans cette situation que le critère de la réalisation du profit n’est plus rempli et que le contribuable n’est donc plus indépendant.

Pour éviter de perdre la déduction fiscale liée à des pertes commerciales, il y a deux solutions. La première consiste à utiliser les outils comptables et fiscaux existants lors du bouclement des comptes afin de limiter la perte commerciale au maximum, voire la transformer en bénéfice. Cela n’est pas toujours possible. La deuxième solution serait d’exercer l’activité commerciale sous forme de société, SA ou Sàrl, afin d’échapper au concept du hobby qui s’applique pour les indépendants, mais non pas pour les sociétés. Avec une personne morale, les pertes sont fiscalement reportables pendant une durée de 7 ans également, sans restriction. En conclusion, si vous démarrez une activité entrepreneuriale et que vous prévoyez de réaliser des pertes régulières durant plusieurs années, optez pour une SA ou une Sàrl afin de garantir à 100% leur déductibilité dans le futur !

Avez-vous des questions? Souhaitez-vous réagir à cet article ? Adressez un courriel à Christophe Bonvin à l’adresse suivante : cb@bonvin-fiduciaire.ch.


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